Son poéme, le reflet d'une civilisation

Castellar, le village qui respire encore… pour combien de temps ?

Il existe, dans l’arc tendu entre mer et montagnes, un village qui semble suspendu au souffle du monde.
Castellar, Le premier document connu citant Castellar date de 1258,

...1258…

C’est est l’un de ces villages où les pierres ne racontent pas seulement l’histoire — elles la portent, elles la protègent, elles la chantent.
Quand on arrive au village, on sent encore la force des siècles :
Le bruit des pas sur les dalles usées,
L’écho des rires d’antan dans les ruelles étroites, qui continue d’ailleurs de chanter grâce aux enfants …
La lumière qui glisse sur les façades ocre comme une caresse ancienne.
Castellar.
C’est un être vivant.
Un souffle.
Un héritage.
Un refuge pour beaucoup.
C’est aussi un lien intime entre l’architecture et le paysage : un équilibre subtil, né de la patience du temps et du soin des humains.
Et voilà que souffle un vent violent. Un projet déraisonnable. Une plaie sur la colline.
Le Tribunal administratif vient de rejeter le recours des habitants et de l’association ASPONA.
Ceux qui aiment Castellar, ceux qui connaissent l’âme de ce village perché, ont perdu une première bataille.
La construction du Belavista à la place de l’hôtel des Alpes.
Un bloc de 9 étages, dont 5 niveaux de parking enfouis, 24 logements, 71 boxes privés, une piscine sur le toit, un commerce, avance désormais comme une marée sombre.
Un immeuble massif, posé sur le belvédère du village comme une pièce déplacée sur un plateau qui n’était pas le bon jeu.
Un projet qui ne respecte ni :
• la cohérence architecturale d’un village médiéval,
• ni la capacité du site,
• ni les usages publics (puisque les parkings pourtant prévus publics au PLU… seront 100% privatifs),
• ni les habitants,
• ni l’environnement,
• ni même les besoins réels du territoire.
Car ces logements, on le sait, ne seront pas pour les gens d’ici.
Ni pour les jeunes du village.
Ni pour les familles qui cherchent un toit.
Ils seront encore vendus à l’extérieur, sur un marché européen où le prix se compte en mètres carrés de luxe, pas en racines humaines.
Et comment ne pas s’émouvoir en voyant les photos du projet ?
Comment ne pas sentir la violence de l’intrusion ?
Pendant plusieurs années, le bal des camions toupies vont déverser le béton, les pelles vont arracher les oliviers centenaires,
Pour parler sur la place de la mairie, il faudra crier … plus fort que les marteaux piqueurs qui vont creuser de plus de 10m dans la roche …
Comment ne pas ressentir cette trouée dans le paysage, cette ombre qui s’avance, cette silhouette qui ne ressemble à rien de ce que Castellar est depuis plus de 600 ans ?
Castellar, pourtant, murmure encore. Il se souvient de ce qu’il aurait pu être.
Il aurait suffi d’emprunter ses ruelles.
De lever les yeux sur la pierre claire.
De regarder les maisons dont la hauteur respecte toujours la pente.
Il aurait suffi de demander au village :
« Quel bâtiment serait digne de toi ? »
Alors, on aurait imaginé :
• une maison du village,
• un ensemble discret,
• un bâti cohérent,
• un projet à taille humaine,
• un logement pour les habitants,
• un lieu qui s’emboîte dans le paysage au lieu de le détruire,
• un projet inspiré par le passé pour servir le futur.
On aurait pu écrire des dizaines d’histoires possibles, toutes harmonieuses, toutes sensibles, toutes respectueuses.
Mais on a choisi le pire scénario.
Le plus haut.
Le plus massif.
Le plus absurde.
Le plus déconnecté du territoire.
Un bâtiment qui tourne le dos à l’esprit du village, qui écrase le paysage au lieu de l’épouser.
Alors que faire ? Peut-être raconter…
Car on ne mobilise pas les cœurs avec des chiffres.
On ne réveille pas un village avec une bataille juridique.
Mais avec une histoire, oui.
Avec l’histoire d’un lieu qui risque de perdre sa voix.
Avec l’histoire d’un paysage qui risque de se briser.
Avec l’histoire de citoyens qui aime ce village.
Qu’ils s’agissent des enfants de ce village, ou ceux qui sont venus par amour, comme moi.
Castellar n’est pas un village comme un autre.
C’est un poème. Parfois doux et parfois rude, comme ceux, qui y ont grandi.
Et l’on s’apprête à écrire un vers de trop.
Ce texte est un appel. Une main tendue. Une dernière respiration.
Il n’est pas trop tard pour que Castellar reste Castellar.
Pour que les montagnes continuent de veiller sur lui.
Pour que la mer continue de s’ouvrir comme un horizon clair depuis ses ruelles.
Pour que la cohérence architecturale protège encore les siècles à venir.
Pour que l’intelligence collective reprenne le dessus sur les décisions qui mutilent.
Castellar peut encore être sauvé.
Mais seulement si nous racontons son histoire.
Si nous la portons.
Si nous la défendons.
Si nous disons peut être :
« Ce village n’est pas une page blanche. Ce village n’est pas un terrain à bâtir. Ce village est un héritage. Et nous pouvons refuser de le perdre. »